Qu’est-ce que la néphropathie à IgA ?

La néphropathie à IgA est la forme la plus courante de glomérulonéphrite primaire dans le monde et une cause majeure d'insuffisance rénale chez les patients de moins de 40 ans.(1) Cette glomérulonéphrite est définie par le dépôt anormal de complexes immuns à IgA dans le mésengium des glomérules rénaux, entraînant une inflammation et des lésions rénales progressives. Il existe cependant une grande hétérogénéité tant clinique que biologique de la néphropathie à IgA. Par ailleurs, il existe également une variabilité des données épidémiologiques selon les pays.(2)

En Europe, la prévalence de la néphropathie à IgA est estimée à 2.53 pour 10 000 patients.(3) Cependant, une étude a révélé que cette prévalence est beaucoup plus élevée en Asie de l’Est qu’en Amérique du nord et en Europe. Cette disparité de distribution mondiale est partiellement expliquée par l’influence de la génétique mais également par une politique différente d’indication de la biopsie rénale et de dépistage des hématuries microscopiques. (4)

La néphropathie à IgA affecte les personnes de tout âge et de toute origine éthnique. Elle survient plus souvent chez les individus jeunes. Ces sujets jeunes, qui sont par ailleurs en bonne santé sont souvent asymptomatiques, et ne développent des signes cliniques que lorsque la pathologie a déjà progressé. (2,4,5)

Physiopathologie :

La néphropathie à IgAN est une maladie auto-immune influencée par de multiples facteurs génétiques, ethniques et environnementaux. Bien que le protagoniste semble être l’IgA déficiente en galactose (gd-IgA1), plusieurs événements contribuent à l’IgAN et aux lésions rénales. Le modèle de pathogénicité actuellement accepté est le modèle « à quatre Hits ».(6) En effet, selon notre compréhension actuelle, les individus génétiquement prédisposés subissent de multiples changements physiopathologiques, communément appelés « hits », qui entraînent l'apparition et le développement de la pathologie. D’abord, l'IgA déficiente en galactose est produite dans la muqueuse suite à sa stimulation par différents antigènes, y compris des microorganismes tels que les bactéries. Les personnes sujettes à l'IgAN conservent des niveaux systémiques plus élevés d'IgA déficients en galactose, contre lesquels des auto-anticorps dirigés par des IgG ou des IgA peuvent être stimulés. Il en résulte des complexes immunitaires circulants contenant l'auto-anticorps et l’IgA déficient en galactose. Par le biais d'interactions spécifiques et non spécifiques, ces complexes s'accumulent dans le mésangium glomérulaire. Ensuite, une fois dans le mésangium, ils sont capables de générer des réponses moléculaires et cellulaires, y compris une inflammation et des lésions cellulaires médiées par les cytokines, les chimiokines et le complément. Avec le temps, ce processus peut conduire à des manifestations cliniques caractéristiques, incluant l'hématurie et la protéinurie ainsi qu’à l’apparition d’une fibrose glomérulaire et tubulo-interstitielle. Suite à cela, un déclin progressif de la fonction rénale est instauré pouvant progresser jusqu’à une insuffisance rénale terminale voire le décès.(7,8)

Figure 1 Schéma de synthèse sur la physiopathologie de la néphropathie à IgA (7,8)

Présentation clinique & Diagnostic

Les patients atteints d’IgAN sont confrontés à des signes cliniques hétérogènes, qui peuvent inclure une hématurie microscopique ou macroscopique, une protéinurie persistante, une hypertension artérielle et un déclin progressif de la fonction rénale. A l’heure actuelle, seule la biopsie rénale permet d’établir un diagnostic précis de la néphropathie à IgA, puisqu’il n’existe pas de biomarqueurs sériques et/ou urinaires validés. (1)

Par ailleurs, la protéinurie est reconnue aujourd’hui comme un critère d’évaluation validé dans les essais cliniques de la néphropathie à IgA. En effet, des analyses d'étude dans la néphropathie à IgA indiquent une relation graduelle entre l'effet d'un traitement sur la protéinurie (mesurée par le pourcentage de réduction de la protéinurie) et l'effet du traitement sur la perte de la fonction rénale et la progression vers l’insuffisance rénale terminale. (9,10) Les récentes conclusions de l'étude rétrospective de cohorte utilisant les données du registre britannique RaDaR chez les patients atteints de néphropathie à IgA, a mis en évidence la corrélation entre le taux de protéinurie et la perte de la fonction rénale. En effet, les patients généralement considérés à faible risque, avec une protéinurie <0.88 g/g (<100 mg/mmol), présentaient des taux élevés d’insuffisance rénale terminale à 10 ans. De plus, cette étude a permis de révéler que chaque réduction de 10 % de la protéinurie initiale pourrait réduire le risque d'insuffisance rénale ou de décès de 11 %. (11)

Recommandations de prise en charge

• La dernière fiche synthèse de la société francophone de néphrologie (SFNDT) recommande de contrôler et prendre en charge la protéinurie (indépendamment d’une HTA) chez les patients atteints de néphropathie à IgA avec un taux supérieur à 0,5 g/j. (12)

Gd-IgA : Immunoglobulines A circulantes galacto-deficientes ; HTA : Hypertension artérielle ; IgA : Immunoglobulines A ; IgG : Immunoglobulines G ; IgAN : Néphropathie à IgA ; KDIGO : Kidney Disease: Improving Global Outcomes ; SFNDT : Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation

  1. Stamellou E, Seikrit C, Tang SCW, Boor P, Tesař V, Floege J, Barratt J, Kramann R. IgA nephropathy. Nat Rev Dis Primers. 2023 Nov 30;9(1):67
  2. Évangéline Pillebout, Dominique Nochy, Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA, Néphrologie & Thérapeutique, 2010 ;6 (6):545-557.
  3. Willey CJ, Coppo R, Schaefer F, Mizerska-Wasiak M, Mathur M, Schultz MJ. The incidence and prevalence of IgA nephropathy in Europe. Nephrol Dial Transplant. 2023 Sep 29;38(10):2340-2349.
  4. Suzuki Y, Monteiro RC, Coppo R, Suzuki H. The Phenotypic Difference of IgA Nephropathy and its Race/Gender-dependent Molecular Mechanisms. Kidney360. 2021 May 28;2(8):1339-1348.
  5. Caster DJ, Abner CW, Walker PD, Wang K, Heo J, Rava AR, Bunke M. Clinicopathological Characteristics of Adult IgA Nephropathy in the United States. Kidney Int Rep. 2023 Jun 28;8(9):1792-1800. doi: 10.1016/j.ekir.2023.06.016. Erratum in: Kidney Int Rep. 2023 Oct 05;8(12):2842
  6. Gutiérrez E, Carvaca-Fontán F, Luzardo L, Morales E, Alonso M, Praga M. A Personalized Update on IgA Nephropathy: A New Vision and New Future Challenges. Nephron. 2020;144(11):555-571
  7. Caster DJ, Lafayette RA. The Treatment of Primary IgA Nephropathy: Change, Change, Change. Am J Kidney Dis. 2024 Feb;83(2):229-240.
  8. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-727/nouveautes-dans-la-nephropathie-a-iga
  9. Thompson A, et al. Proteinuria Reduction as a Surrogate End Point in Trials of IgA Nephropathy. Clin J Am Soc Nephrol. 2019 Mar 7;14(3):469-81
  10. Filippone EJ, Gulati R, Farber JL. Contemporary review of IgA nephropathy. Front Immunol. 2024 Aug 12;15:1436923.
  11. Pitcher D, et al. J. Long-Term Outcomes in IgA Nephropathy. Clin J Am Soc Nephrol. 2023 Jun 1;18(6):727-38.
  12. SFNDT. Traitement de la néphropathie à IgA. Fiche synthèse. 2024

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